Repéré par la critique, Kurosawa Kiyoshi est devenu un auteur, et qui plus est, prolifique. Charisma était à peine présenté à Cannes qu’il rentrait tourner Vaine illusion (Oinaru genei), prêt pour Venise en septembre dernier ! A 44 ans, le “petit Kurosawa”, auteur déjà d’une vingtaine de films, s’est forgé une belle réputation dans les festivals, où avoir son dernier film est devenu un must. Parti de séries B, comédies décalées ou vaguement érotiques (Kandagawa wars/Kandagawa inran sensô, 1983, ou L’Excitation des filles Do-Ré-Mi-Fa/ Doremifa musume no chi wa sawagu, 1989), le cinéaste est parvenu, ces dernières années à une certaine sophistication stylistique qui s’éloigne de plus en plus des stéréotypes du genre. Cure est une variation très personnelle sur le thème des serial-killers, aboutissant à une analyse de la schizophrénie et des maladies mentales, de même que Charisma part d’une enquête policière ordinaire pour devenir une fable allégorique sur la destruction du monde, et dont le véritable héros est un arbre malade appelé “Charisma”. Kurosawa refuse d’ailleurs de nous donner la clé de cet arbre symbolique. “L’arbre n’est qu’un arbre. Tous les personnages projettent des valeurs et des symboles sur cet arbre, mais pour moi, il reste un arbre. Quels que soient les explications et les symboles invoqués, le sens vient en définitive de l’intérieur mental de chaque spectateur. Je suis allé volontairement vers des extrêmes pour représenter les réactions et les sentiments les plus secrets”, explique le cinéaste. Sa fascination pour la schizophrénie dans la plupart de ses derniers films se retrouve dans la façon de filmer ses personnages, policiers, tueurs, ou femmes étranges, comme les deux soeurs de Charisma. Avec ambition, Kurosawa Kiyoshi tente de pénétrer les diverses facettes de chaque personnalité, comme le Kitano de Hana-bi, par exemple. “Si l’on regarde les films américains, on s’aperçoit que les héros n’ont qu’une seule personnalité, même si elle est intéressante. Il me semble qu’on a atteint les limites de la personnalité unique. Si l’on prend un personnage avec un seul aspect de sa personnalité sous un certain angle, on peut tenter de montrer les autres aspects, et étendre les possibilités de la narration de l’histoire, et c’est très intéressant”, poursuit-il. Pour incarner ces personnages “éclatés”, le cinéaste a choisi l’acteur Yakusho Koji, nouvelle star du cinéma japonais, plus connu à l’étranger grâce à L’Anguille (Unagi) d’Imamura, ou à Shall we dance ? de Suo Masayuki. Il est le personnage principal de Cure, Licence to kill et Charisma, et le cinéaste a établi une sorte de connivence complice avec son acteur pour ces trois films: “Il a le même âge que moi, et nous communiquons facilement. Il arrive très bien à rendre la personnalité multiple que je cherche à filmer”, ajoute Kurosawa. Avec les hommages qui lui sont rendus au Festival d’Automne, aux Rencontres Internationales de Paris (3 au 17 novembre), et à la Biennale d’Orléans (trois films, du 16 au 21 novembre), Kurosawa Kiyoshi ne sera plus un cinéaste confidentiel, même s’il ne peut essayer de rassembler autant de spectateurs que Kitano, qui, malgré certaines similitudes thématiques, reste plus accessible à un public large. Bonne découverte ! Charisma, de Kurosawa Kiyoshi (1999), avec Yakusho Koji, Ikeuchi Hiroyuki, Fubuki Jun.1h43. Le 8 décembre. Rétrospective Kurosawa Kiyoshi partagée entre le Festival d’Automne ( du 10 au 30 novembre au Cinéma L’Arlequin), les Rencontres internationales de Paris (3 au 17 novembre), et la Biennale du cinéma japonais d’Orléans, du 16 au 21 novembre. |