Quand il arrive enfin à Osaka, l’architecte de campagne (comme les médecins du même nom), assiste à une entrée en matière imposante et raffinée à la fois. Ce voyage, le premier au Japon, sera un apprentissage à la lecture des contrastes, des extrêmes. L’aéroport d’Osaka: c’est une introduction d’une écriture simple et sophistiquée. Bien que de conception européenne, il y déjà deux modes d’expression. L’un pour le hall d’embarquement ou structure et remplissage se mélangent avec lyrisme (voir la poésie des mobiles accrochés en l’air), l’autre pour les galeries desservant les niveaux des multiples et diverses arrivées ou départ des voyageurs au sol. Un îlot d’architecture (l’aéroport est construit sur une île artificielle) avec ses hôtels, ses galeries marchandes où tout brille comme un sou neuf!Ça y est, on est au Japon. Déjà l’ordre et la propreté des espaces publics nous interpellent. Pendant deux semaines, nous serons des touristes privilégiés, pilotés par les deux meilleurs guides qu’on puisse trouver: Pierre et Hisako, nos enfants de Kyoto, qui redoubleront d’attention pour nous montrer de Kyoto à Hiroshima, le Japon quotidien où malgré l’ampleur de la mégalopole, traversée en Shinkansen sur plus de 800 km, les portions de nature, soigneusement cultivées, viennent comme un apaisement ponctuer la déclinaison d’ensembles urbains quasi continus. Ce qui est frappant à Tokyo, c’est le système des contrastes d’échelle: les grands axes avec les buildings imposants, voir les gratte-ciel, et, perpendiculairement et soigneusement réparties, les traverses où s’organisent de “petits villages”. C’est donc un équilibre savamment dosé qui pourrait nous interpeller, nous autres maladroits copieurs des mégalopoles américaines. Un petit coin de banlieue, entre deux tours de Front de Seine ou entre une vingtaine de tours de la Défense, voir, entre deux rues de Rivoli ou deux boulevards St Germain. A Kyoto, c’est le rêve: ici, la mégalopole a disparu; la nature est généreusement conservée; les rivières respectées et mises en valeur. Les Parisiens, privés des leurs, en tomberaient jaloux. C’est vrai que les quartiers bordant la rivière Kamo sont privilégiés, avec à l’Est les montagnes, en fond de paysage. Ce qui est attachant et inquiétant à la fois, c’est que partout, il faut savoir lire l’ensemble et les détails. Ceci est valable pour l’urbanisme comme pour la construction. Un quartier est ordonnancé, structuré par de grands boulevards ou à l’inverse, brouillon et fait d’une multitude de ruelles, de traverses d’un à deux mètres de large, où tout est pittoresque, où même les poteaux électriques racontent une histoire. Les yeux ne suffisent plus pour tout voir. L’appareil photo n’est pas toujours efficace; la caméra s’imposerait car elle permettrait le passage des grands plans aux détails. Ce sont eux qui m’ont impressionné le plus. Mais bien trop nombreux, ils ne peuvent être évoqué ici. Toutefois, ce qui est sûr, c’est que l’image architecturale du Japon est bien celle de la liberté. Tout est permis. Aucune restriction ne semble venir freiner l’enthousiasme des architectes. Petits et grands programmes rivalisent d’ingéniosité, de traductions picturales nouvelles, de toutes écoles. Il n’y a pas comme en France, de doctrine et d’école imposant ses vues et mettant les confrères en position d’allégeance, d’autocensure. A Paris, comme en province, l’autocensure des architectes est évidente. Un modèle d’urbanisme et un type d’architecture administrativement correcte a conduit à des projets plus homogènes créant un style. Haussmann avait crée le sien. Au Japon, il semble bien qu’avant d’être administrativement correct, les projets soient imaginatifs et généreux. Jean-Loup Ferragut. A Osaka:- Umeda Sky Building de Hara Hiroshi – Kirin Plaza de Takamatsu Shin – Le Musée d’Art moderne de Maki Fumihiko – L’Hôtel de Ville à Shinjuku de Tange Kenzo |