De fait, le nouveau film d’Imamura, tourné dans la foulée de L’Anguille, surprend par l’énergie déployée par un cinéaste qui, à plus de 70 ans, donne des signes de fatigue physique évidents. On sait que cette histoire d’un “médecin de campagne”, le Dr Akagi, dit Kanzô Sensei, qui court littéralement après ses nombreux patients vers la fin de la guerre, tout en étant obsédé par la découverte du virus de l’hépatite, est inspirée en partie par la vie du propre père du cinéaste, qui fut un médecin des pauvres dans les années noires de l’après-guerre. L’acteur choisi par Imamura, Emoto Akira tient le rôle de bout en bout, mélange de scientifique, de marginal contraint et de nationaliste de base, à la veille de la défaite. C’est celui qui insuffle la vie à ce rôle ingrat et physiquement épuisant, aux côtés de son assistante-(médicale et sexuelle), Sonoko (Aso Kumiko), petite sauvageon-ne bien dans la lignée des héroïnes d’Imamura, qui savent en remontrer aux hommes sur l’énergie vitale. Autour d’eux gravitent des personnages “décadents” très fin de guerre, tels ce bonze débauché incarné par l’acteur-dramaturge, Kara Jurô, ou le chirurgien alcoolique et anarchiste Toriumi, qui finira dans une provocation suicidaire face à l’armée. On pouvait être plus inquiet sur le rôle du prisonnier hollandais Piet, qui devient malgré lui le véritable révélateur du vaccin de l’hépatite, mais l’acteur français Jacques Gamblin (vu par Imamura dans… Pédale Douce) s’en tire plutôt bien. Au son d’une insolite bande sonore jazz de Yamashita Yosuke qui annonce déjà le rythme de l’après-guerre, Kanzô Sensei devient une parabole sur un Japon impérial au bord du gouffre, sur le cadavre duquel travaillent déjà des hommes pleins de “bonne volonté”, en vue d’une éventuelle démocratie, sans qu’elle ne soit trop didactique, ni trop fortement symbolique (en dehors du plan final). Malgré quelques défauts techniques regrettables – tels ces effets spéciaux ratés des bombardements américains – Kanzô Sensei est un film fortement imamurien, en ce que le désir de vie y est toujours plus fort que la guerre et la mort, avec une bonne dose de médecine sexuelle… Max Tessier |