Auteur d’un remarquable essai sur les débuts de la guerre froide en Asie du Nord-Est publié en 1985, Michael Schaller publie un nouvel ouvrage sur les relations nippo-américaines qui fera sans doute date. Les rapports entre le Japon et les Etats-Unis sont guidés par des forces contraires. Tantôt amies, tantôt ennemies les deux principales puissances économiques de la planète s’observent, s’épient et se livrent à une concurrence farouche tout en s’efforçant de préserver une alliance indispensable à la stabilité de la région Asie-Pacifique. C’est cette ambiguïté que Michael Schaller tente d’analyser tout au long de ce livre qu’il fait démarrer à la fin de l’occupation américaine du territoire japonais. L’un des intérêts de cet essai est de montrer avec force que les Etats-Unis sont en grande partie responsables de ce qu’ils peuvent détester dans le Japon contemporain. Sans la politique menée par les forces américaines au lendemain du second conflit mondial, le pays du Soleil levant ne serait pas devenu ce géant économique planétaire. La victoire communiste en Chine et le début de la guerre dans la péninsule coréenne ont largement contribué à modifier l’attitude de l’Amérique à l’égard du Japon envers lequel pourtant il pouvait légitimement entretenir un sentiment de revanche. Soucieux d’éviter que le Japon ne penche vers Mao et le camp communiste, les Américains ont tout fait pour encourager le rapide développement de l’économie nippone en laissant se reconstituer les conglomérats et en favorisant la création d’une nouvelle bureaucratie dont le rôle principal sera de guider le pays vers la croissance. Alors que la guerre froide battait son plein, les Etats-Unis ont redoublé d’efforts pour éviter que leur poulain ne flanche au point d’aider secrètement des politiciens conservateurs japonais parmi lesquels on comptait des criminels de guerre. La guerre du Vietnam sera une occasion pour le Japon de profiter de l’engagement américain dans le conflit pour s’enrichir mais aussi pour tendre vers une certaine indépendance politique favorisée également par le rapprochement sino-américain des années 1970. Grâce à de nombreux documents inédits, Michael Schaller amène le lecteur au cœur des rapports particuliers qu’entretiennent ces deux puissances du Pacifique. Il permet de comprendre comment le pays du Soleil levant et les Etats-Unis ont abordé la chute de l’Union soviétique et la fin de la guerre froide et d’en mesurer l’impact sur leur alliance. Pour le professeur de l’université d’Arizona, après 50 ans d’une union pour le meilleur et pour le pire, Japonais et Américains semblent bien décidés à entrer dans le prochain millénaire en empruntant des chemins bien différents. Ce sera peut-être l’objet du prochain livre de Michael Schaller. C.L. Altered States, The United States and Japan since the Occupation (Etats décomposés, les Etats-Unis et le Japon depuis le début de l’occupation) |