Le grand “matsuri” du cinéma japonais continue de plus belle. Après la Biennale d’Orléans et le programme du festival d’Automne (Japon, pères et fils, et hommage à Oshima), on nous propose deux films récents (1995) en distribution, très différents par la forme, mais qui recoupent des interrogations semblables sur le Japon d’aujourd’hui. Okaeri, premier film du jeune SHINOZAKI Makoto, décrit au scalpel les relations difficiles d’un couple dont la femme est schizophrène, et qui finira par se réfugier dans son univers parallèle, fuyant la réalité de ce monde – un thème qu’on retrouve dans plusieurs films japonais actuels. Avec des moyens très limités, mais une rigueur de style qui rappelle, de loin, certains films d’Ozu, auquel le cinéaste fait d’ailleurs référence en utilisant dans un petit rôle le vieil acteur AOKI Tomio, qui était le héros Tokkan Kozo des comédies muettes d’Ozu. SHINOZAKI touche du doigt les dysfonctionnements mentaux de la société japonaise dite évoluée, non sans évoquer le couple semblable de L’Aiguillon de la mort d’OGURI Kohei (1990). OGURI, dont sort justement le dernier film, avec deux ans de retard, L’Homme qui dort (Nemuro otoko), film inclassable dans le cinéma japonais contemporain, anti-narratif, où L’Homme qui dort est le détenteur des rêves d’un Japon rural où se croisent paysans nouveaux riches, et immigrés asiatiques, dont la figure emblématique de la “femme du sud” (l’indonésienne Christine Hakim), porteuse de chaleur dans un pays calme, froid, et inhibé. D’une très grande et très calculée beauté visuelle, L’Homme qui dort (qu’il ne faut pas confondre avec le roman et le film de Georges Perec) est un film-poème assez fascinant, mais sans doute trop imbu de ses propres qualités esthétiques, qui finissent par prendre le pas sur tout le reste, dans une sorte d’hypnose trop longue. On peut lui préférer L’Aiguillon de la mort, ou le premier film d’OGURI Rivière de Boue. De toute façon, il faudra sans doute attendre environ quatre ans pour découvrir un nouveau film d’OGURI, auteur à l’exigente lenteur… On nous promet pour bientôt d’autres films japonais en distribution, comme Moe no Suzaku de KAWASE Naomi, et peut-être Shall we dance?, la comédie à succès de SUO Masayoshi, ou encore Cure, le film de serial Killer sophis-tiqué de KUROSAWA Kiyoshi. A signaler aussi un cycle des “premiers films de la Nouvelle Vague japonaise” au festival des Trois continents de Nantes, en présence du metteur en scène YOSHIDA Kiju ainsi que le nouveau film de TAKENAKA Naoto Tokyo Biyori (Beau temps à Tokyo), en compétition. Max Tessier Okaeri : Espace St-Michel, 7 place St-Michel 75005 Paris et 14 Juillet-Beaubourg |
|