Au printemps 1689, le poète Bashô entreprit de parcourir en cinq mois les provinces du nord de l’Archipel. C’est à cette occasion qu’il composa ce que l’on considère comme son chef-d’œuvre absolu : Oku no hosomichi (La Sente étroite du bout du monde). Les paysages qu’il traversa dans la région du Tôhoku (Akita, Aomori, Fukushima, Iwate, Miyagi et Yamagata) lui inspirèrent quelques-uns de ses plus beaux poèmes. En choisissant de nous rendre dans cette partie du Japon près de 320 années plus tard, nous nous demandions si la magie opèrerait de nouveau et si sa beauté sauvage désormais légendaire nous envoûterait aussi. Après avoir sillonné les routes du Tôhoku, notre réponse est affirmative. Le Tôhoku est bel et bien magique.
Defuno tobu 蝶の飛ぶ Après douze heures de vol et un passage obligé par Tokyo, capitale extraordinaire aux mille lumières, notre voyage dans le Tôhoku peut commencer. Le train d’abord, à grande vitesse de Tokyo à Sendai, principale cité de la région, dont la relative tranquillité tranche avec l’agitation de Tokyo. Le contraste est encore plus vif lorsque nous quittons les zones habitées pour la campagne, donnant tout son sens au vieil adage “l’envers vaut l’endroit”. Le Japon de l’envers, celui de l’intérieur, de la campagne, vaut mille fois celui de l’endroit, cette côte industrialisée aux villes immenses et bigarrées où l’individu perd rapidement ses repères. Ici, l’homme retrouve sa place au milieu de la nature qui a choisi de revêtir ses plus belles couleurs, celles de l’automne au moment de notre visite. Les dégradés de verts, pilonnés de rouges vifs dégringolent des collines. Les plus humbles jardins respirent bien sûr la sérénité que l’on est en droit d’attendre d’eux. Devant ces éclats de couleurs qui valent bien nos villes électriques, on ne peut que s’identifier au Bashô pénétré par la beauté d’une nature bien décidée à nous en mettre plein les yeux. Jean-Etienne Portail Les poèmes de Bashô publiés dans cet article sont extraits de Jours de printemps, trad. par Alain Kervern, éd. Arfuyen, 1988. |
Travail de précision pour cette femme qui applique la couleur sur
Photos:Jean-Etienne Portail
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A Lire
Avant de vous rendre dans cette région, nous pourrions vous conseiller de consulter quelques guides classiques. Nous vous recommandons plutôt de lire le recueil de Bashô Oku no hosomichi dont une très belle traduction (L’étroit chemin du fond) signée Alain Walter vient de paraître aux éditions bordelaises William Blake & Co (30€). Il ne faut pas s’en priver. Ruez-vous également sur Neige rouge de Katsumata Susumu (éd. Cornélius, 2008, 22€). Cet ensemble de nouvelles graphiques est une merveilleuse plongée dans le quotidien du Tôhoku, certes un peu suranné mais tellement attachant. On y retrouve toute la magie de cette partie du Japon où, malgré la rudesse de la vie, chacun trouve le bonheur d’y vivre.
Pratique
S’y rendre
Il n’y a pas de vols directs entre Paris et Sendai. Il faut donc transiter par Tokyo, Nagoya ou Osaka et emprunter les lignes intérieures. Mais le Japon est avant tout le pays du train. Voyager par le rail est un pur plaisir. Avant de partir, pensez à vous munir du fameux Japan Rail Pass vendu entre 28 300 yens et 57 700 yens selon la durée. Celui-ci vous permet d’emprunter ensuite gratuitement les principales lignes de chemin de fer et donc de parcourir le Tôhoku. Si vous ne souhaitez vous rendre que dans cette région, il existe le JR East Rail Pass moins cher (de 20 000 yens à 32 000 yens selon la durée).
Y séjourner
Les hôtels comme les restaurants ne manquent pas dans cette partie du Japon. Ce serait faire injure aux hôteliers et aux restaurateurs que de désigner tel ou tel plus qu’un autre tant la qualité de l’accueil et de la nourriture est à faire pâlir la plupart de nos champions français. Néanmoins, ceux qui feront une halte à Matsushima serait bien inspiré de goûter la spécialité locale de quenelles de poisson (sasa kamaboko) ou de brochettes de calamar. Et puis, n’hésitez jamais à vous arrêter dans l’une des très nombreuses stations thermales de la région comme Naruko onsen. Vous comprendrez alors peut-être l’importance du bain pour les Japonais.
Y voir
A Sendai, le sanctuaire Osaki-Hachiman-gû est l’un des trésors nationaux du Japon. Construit en 1100 et transféré à son emplacement actuel par Date Masamune (1567-1636), le grand seigneur du nord, c’est un très bel exemple du style Momoyama. Au nord de la ville, il y a bien sûr Matsushima. En poussant un peu plus haut, on découvrira le parc national de Rikuchu Kaigan, un des plus beaux décors marins du pays, qui s’étend sur 200 kilomètres. A l’intérieur des terres, les paysages volcaniques et montagneux sont de merveilleux endroits à parcourir comme le parc national Towada-Hachimantai ou celui de Bandai-Asahi.