La vie est un combat. Si vous en doutez, allez demander à Ki-itchi, cet adolescent en lutte contre un ordre établi qui refuse de condamner les dérives de certains de ses membres. “Les forces de l’ordre et les médias cèdent sous la pression et choisissent de devenir des rouages du système. Ils sont encore plus condamnables que les abrutis qui les croient sans chercher à voir plus loin que le bout de leur nez”, affirme le héros de Arai Hideki qui se bat pour faire éclater le scandale pédophile à l’égard duquel on préfère garder le silence. Mais Ki-itchi est déterminé. Pistolet à la main, il entend créer l’événement à la Diète dans le but d’amener enfin les médias à s’intéresser à cette affaire que le pouvoir veut étouffer. “Puisqu’il n’y a personne d’autre qui agit, c’est moi qui le fais !”, lance le jeune garçon que rien ne peut arrêter même pas la pluie battante. Une nouvelle fois, Arai Hideki montre que le Japon ne peut pas évoluer sans une participation active de sa jeunesse. Ki-itchi étant l’archétype du jeune révolté dont le pays manque aujourd’hui cruellement. Mais ce n’est pas évident de s’imposer de pouvoir se révolter quand on est oppressé. Makunouchi Ippo en sait quelque chose. Le héros de la nouvelle série proposée par l’éditeur Kurokawa est en effet un garçon timide souvent brimé par ses camarades d’école jusqu’au jour où il rencontre un champion de boxe Takamura venu le secourir alors qu’il se faisait tabasser. Dès lors, Ippo ne rêve que d’une chose. “Je voudrais renaître…”, dit-il pour trouver les ressources de se battre contre un monde cruel avec les plus faibles. L’auteur, Morikawa George, réussit à nous intéresser au sort du jeune Ippo car il connaît bien l’univers de la boxe. Il est propriétaire du JB Sports Gym où s’entraînent les futurs champions japonais. L’amour est aussi un objectif difficile à atteindre. Sassa en sait quelque chose. Cet homme marié, héros de Jusqu’au soir, entretient une liaison avec une jeune femme qui refuse l’acte sexuel avec lui. Le roman de Yoshiyuki Junnosuke illustre l’incompréhension qui existe entre les sexes et les générations. Son style parfois cru donne une force certaine au récit et souligne le trouble de Sassa jaloux de sa maîtresse qui aurait un petit ami de son âge. Le romancier met ainsi l’accent sur les rapports troubles que les hommes japonais d’une quarantaine d’années souvent qualifiés d’oyaji tentent d’avoir avec de jeunes femmes. En quête d’un bonheur qui semble impossible à trouver, Sassa s’enferme dans une histoire sentimentale compliquée avec une fille. “Depuis sa jeunesse, il s’était toujours retrouvé dans ce genre de situation dans ses rapports avec les femmes”, nous explique l’auteur. Il n’est pas aisé pour lui de s’en sortir. Le seul moyen qu’il trouve, c’est de cultiver ce sentiment de jalousie. “C’était, finalement, la voie qui lui convenait le mieux”. Mais au terme de ce récit, on comprend parfaitement que la vie de Sassa restera celle d’un homme en proie au doute et sans illusions quant à son avenir sentimental. Il devrait donc s’inspirer de l’existence bohême de ce jeune homme racontée par Yoshida Shûichi dans son roman Park Life. Lui, au moins, ne se pose pas de questions car il a trouvé un espace, le parc de Hibiya, où tous ceux qui s’y rendent “se sentent soulagés”. Ce petit bijou d’écriture est une bouffée d’oxygène. Il rappelle de façon simple mais convaincante qu’en matière de bonheur, il faut savoir parfois se contenter de choses simples. Claude Leblanc |
Ki-itchi, vol. 8, de Arai Hideki, trad. par Kageyama Tamako, coll. Akata, éd. Delcourt, 2007, 7,50€ |
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