Pour ceux qui auraient vu La Servante et le samourai (Kakushi ken : oni no tsume), de Yamada Yôji, il est vivement conseillé d’aller voir Le Samourai du crépuscule qui sera dans les salles françaises le 10 mai prochain. Pour ceux qui ne l’auraient pas vu, aussi ! Tourné deux ans avant La Servante et le samourai (1), Le Samourai du crépuscule constitue en fait la première partie d’une trilogie historique qui se terminera cette année avec Bushi no ichibun (L’Ame du Samourai), tous ces films étant adaptés de diverses nouvelles de l’écrivain populaire Fujisawa Shûhei, qui présentent de grandes similitudes sociales et narratives. Interrogé fréquemment sur le pourquoi de cette trilogie d’époque, Yamada Yôji (75 ans) répond qu’il “n’était pas satisfait” des jidai-geki actuels, pleins de bruit et de fureur, et relevant plus souvent du manga et de l’héroïque-fantaisie avec effets spéciaux exagérés, à la Fukasaku ou même à la Kitano, que du film d’époque traditionnel, dont des cinéastes comme Yamanaka Sadao, Kurosawa Akira, ou Kobayashi Masaki ont établi la réputation. Les nouvelles dont Le Samourai du crépuscule est tiré sont évidemment ancrées dans une réalité sociale un peu oubliée aujourd’hui, celle des samourais de basse caste, qui n’avaient d’autre alternative qu’obéir au clan ou mourir… Le destin de Seibei, que ses amis ont surnommé “le Crépuscule” (Tasogare Seibei), parce qu’il rentre au crépuscule chez lui pour s’occuper de sa famille, est donc très proche de celui de Katagiri, l’anti-héros du film suivant. Dans les deux films, à la recherche d’un bonheur simple (une femme, une famille…), s’oppose la volonté du clan, qui veut utiliser à son profit l’habileté au sabre des samourais, pour en éliminer d’autres. Il ne s’agit pas, comme chez le Kobayashi de Harakiri (Seppuku, 1963) d’une révolte organisée contre le clan, mais d’une soumission des samourais contre leur gré. Plus que des héros, ils sont les victimes obligées d’un système qui tend pourtant à disparaître avec l’avènement de l’ère moderne Meiji. Toujours habile dans ses castings, Yamada a choisi ici Sanada Hiroyuki pour le rôle de Seibei, et Miyazawa Rie dans celui de Tomoe, son amour contrarié, deux acteurs très populaires auprès des jeunes à l’instar de Nagase Masatoshi dans La Servante et le samourai. Et le combat final entre Seibei et le Samourai rebelle, filmé dans l’ombre et la poussière, est un morceau d’anthologie, sans doute supérieur à celui de La Servante et le samourai… Vous remarquerez en prime à la fin la présence d’une vieille dame élégante qui se remémore son passé sur une tombe: c’est, tout simplement, Kishi Keiko. A voir donc ce jidai-geki superbement “vieux-jeu” et pasionnant, qui va sciemment à l’encontre des modes actuelles, et retourne aux sources du genre. Sore ja, mata, Max Tessier (1) Sortie en DVD le 11 mai en édition collector comprenant le film et de nombreux suppléments. |
Le crépuscule du samourai de Yamada Yôji
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Sortie DVD Fidèle à son désir de donner accès au meilleur des films de l’âge d’or du cinéma japonais, l’éditeur Films sans Frontières ressort en DVD plusieurs films de Mizoguchi Kenji avec image et son restaurés pour chaque film. En attendant Les Contes de la lune vague après la lune (Ugetsu monogatari, 1953) prévu pour le printemps, les amateurs peuvent d’ores et déjà se procurer Les Amants crucifiés (Chikamatsu monogatari, 1954) et L’Intendant Sansho (Sansho dayu, 1954) dans un coffret qui comprend notamment un essai de Jean-Christophe Ferrari consacré au réalisateur. Un autre coffret comprend L’Impératrice Yang Kwei Fei (Yôkihi, 1955) et La Rue de la honte (Akasen chitai, 1956). Enfin la sortie la plus récente, Le Héros sacrilège (Shin Heike monogatari, 1955) permet de découvrir une œuvre dont le scénario n’est peut-être pas le meilleur sur lequel a travaillé Mizoguchi mais qu’il a réussi à sublimer par une maîtrise parfaite de la réalisation. Il ne faut pas s’en priver d’autant que l’éditeur propose ces coffrets à bon prix (28 et 33 euros). C.L. |