Buka buka Une des conséquences de l’évolution de l’alimentation des Japonais au cours des dernières décennies est une prise de quelques centimètres en hauteur de la part de générations plus aussi minoritaires qu’autrefois. A la fin de la Seconde guerre mondiale, la taille moyenne des gens âgés de 20 ans était de 1,65 m pour les hommes et de 1,53 m pour les femmes. Aujourd’hui, ces chiffres passent respectivement à 1,71 m et 1,58 m. Plus impressionnante encore est la poussée des garçons de 17 ans qui entre 1948 et 1993 sont passés de 1,58 m à 1,70 m. Il n’est plus rare de me voir obligé de lever la tête pour m’adresser à mon interlocuteur, voire mon interlocutrice. Mon modeste 1,78 m ne surprend personne. Mais pourtant toutes les générations n’ont pas pris le pli, et nombreux encore sont ceux dont le gabarit justifie le maintien de normes plus ou moins contraignantes pour les étirés du squelette. Je continue en effet de baisser la tête en passant certaines portes, de m’user les genoux contre le dossier du siège de devant dans les bus ou les salles de cinéma ou carrément de pisser à côté dans des toilettes à la cuvette à peine plus haute qu’un bidet. Le jour où la taille moyenne nationale imposera de nouvelles normes n’est pas pour demain. Beaucoup de choses sont encore conçues au Japon à l’échelle des moins grands, et malgré ce qu’ils peuvent dire, les concis de la guibole ont peu de complexe. J’en veux pour preuve tous ceux qui adoptent des modes vestimentaires en faisant fi de l’harmonie des proportions de leur corps, à l’image de ces adeptes du baggy décidément trop large : buka buka. Court sur pattes et fier de l’être. Ceci dit, pour rappel, la bonne longueur pour les jambes, c’est quand les deux pieds touchent par terre.
Pierre Ferragut