Il y a des livres qui marquent une existence, des romans que l’on peut lire et relire en savourant chaque phrase et chaque tournure, des poésies que l’on finit pas connaître par cœur tant leur beauté nous émeut. Il y a aussi des essais dont on sent à la première lecture qu’ils constitueront un tournant dans votre façon d’aborder telle ou telle question. L’ouvrage d’Augustin Berque coréalisé avec Maurice Sauzet, Le Sens de l’espace au Japon : vivre, penser, bâtir que publient les éditions Arguments appartient assurément à cette catégorie. Ce qui devait être initialement la réédition d’un livre paru, en 1982, aux Presses universitaires de France, Vivre l’espace au Japon, a pris une nouvelle dimension suite aux réflexions suscitées par la rencontre d’Augustin Berque avec l’architecte Maurice Sauzet. Le géographe a étoffé son argumentation et n’a pas hésité à élargir son champ d’exploration pour nous offrir un passeport culturel pour le Japon, grâce auquel ce pays, dont on souligne souvent la singularité et le côté obscur, devient soudain beaucoup plus facile à appréhender. C’est donc à un voyage que nous convie Augustin Berque. Pas à un voyage dans le sens où on l’entend habituellement — inutile donc de préparer vos valises —, mais à un voyage intellectuel dans les méandres du rapport que les Japonais entretiennent avec leur environnement (l’espace). A la lecture des “sept” propositions que le géographe nous présente au fil des quelque 150 pages de son essai, l’on comprend mieux comment les Japonais ont su s’adapter et coexister avec la nature qui les entoure. Démonstration limpide dont on ne saurait trop recommander la lecture. Dominique Buisson contribue également à démystifier le pays du Soleil levant dans son excellent ouvrage consacré à l’Artisanat au Japon. Dans ce superbe ouvrage dont il convient aussi de saluer la forme, l’auteur nous narre la relation particulière que les Japonais entretiennent avec la nature au travers de leur artisanat. “En comparaison avec l’art de l’Occident, amateur de certitudes, l’art japonais n’est jamais défini dans une forme fixe et immuable”, explique Dominique Buisson dans son introduction, rappelant “l’artisan ne fait que se plier aux exigences de [la] nature si présente” à l’image du charpentier “artisan type de la société japonaise” qui “sait lire la personnalité du bois et en saisir l’émotivité”. En illustrant son propos avec ses propres photographies, Dominique Buisson permet de mieux entrer encore dans cet ouvrage pédagogique qui nous rappelle au passage que “par l’excellence de son travail l’artisan flatte la capacité à la beauté de l’utilisateur. Ce dernier, par son achat, admet l’excellence de l’artisan. Cette réciprocité ne peut s’exercer qu’à travers la qualité de l’objet, non pas seulement la qualité “commerciale” d’un objet bien fait, mais surtout la qualité “créative”, esthétique et affective, qui fixe en réalité les lois rituelles de l’échange”. Nul doute que le travail de Dominique Buisson s’apparente à celui qu’il décrit si bien dans son livre et l’on attend avec impatience son prochain opus sur le bambou, L’Esprit du bambou, annoncé cet automne chez l’éditeur Philippe Picquier. Enfin parmi les parutions récentes qui invitent au voyage, citons Le Design au Japon de Michiko Rico Nosé qui analyse la tendance du design japonais depuis l’éclatement de la bulle financière et qui nous apprend que “pour la nouvelle génération de designers, le concept doit suivre le produit, non le précéder”. L’ouvrage de Julius Wiedemann, Japanese Graphic Now !, est moins original dans sa conception, mais il offre un très large échantillon du savoir-faire nippon en matière de graphisme. C. L. |
Augustin Berque avec Maurice Sauzet, Le Sens de l’espace au Japon : vivre, penser, bâtir, éd. Arguments, 2004, 37 € Retrouvez ces ouvrages et plus de 2700 autres sur www.japonline.com, la base de données du livre japonais en France. |
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