Ancien Premier ministre de 1993 à 1994, Hosokawa Morihiro a décidé de se retirer de la vie politique pour se consacrer à la poterie. Il expose ses réalisations ainsi que quelques calligraphies à la Galerie Yoshii. Il nous explique ce qui l’a poussé à se consacrer à cette actvité.
Vous menez, dit-on, une vie de Seikô Udoku qui signifie “cultiver son jardin par beau temps et lire par temps de pluie”. Pouvez-vous nous expliquer ce qui vous a amené à choisir justement cette voie plutôt que de poursuivre une brillante carrière politique ?
Hosokawa Morihiro : Au Japon, depuis longtemps, il existe une tradition qui consiste à se retirer du monde, à prendre sa retraite. On utilise à ce propos l’expression “insei”. De nombreux poètes à l’instar d’Urabe Kenkô, auteur de Notes de ma cabane de moine (Gallimard, 1987), ont écrit sur leur retour à la nature. Depuis mon enfance, j’ai été imprégné par leurs œuvres et c’est pourquoi j’avais décidé de prendre ma retraite à 60 ans comme le veut cette tradition. Je m’y étais préparé en renonçant à mon mandat de maire de Kumamoto à l’âge de 52 ans mais la politique m’a rattrapé. A l’époque j’étais membre d’une commission chargée du renouveau des collectivités locales. Devant le méconten-tement de ces dernières face à l’incurie du gouvernement, j’ai décidé de fonder le Nouveau parti du Japon (Nihon Shintô). Son succès m’a conduit aux plus hautes fonctions de l’Etat. Je suis fier de mon travail en tant que politicien mais je me devais de répondre aussi à mon aspiration initiale, celle de prendre ma retraite. Aujourd’hui je cultive mon champ, je lis des livres et je fais de la poterie. Je suis heureux.
L’image que nous avons en France des produits japonais est celle d’objets parfaits sans aucune imperfection. Or vous présentez ici des objets aux formes irrégulières. Que symbolisent-ils ?
H. M. : Depuis 600 ou 700 ans, il y a au Japon une tradition de cette imperfection dans l’histoire des arts. Sen no Rikyû, le maître du thé, a dit justement qu’il ne fallait absolument pas faire des objets parfaits mais qu’il fallait au contraire laisser place à des objets aux formes irrégulières voire bizarres. J’ai donc voulu travailler dans ce sens-là. Par ailleurs, je cherche à réduire la décoration pour pouvoir représenter le wabi, c’est-à-dire le goût de la simplicité et de la sérénité, si cher aux yeux du grand maître de thé. J’ai beaucoup étudié l’esthétique traditionnelle japonaise et c’est elle que l’on retrouve dans mon travail aujourd’hui. Il se peut que de nombreuses personnes, y compris au Japon, ne comprennent pas cette approche esthétique. Cependant l’intérêt que l’on accorde à mon travail, en Europe et au Japon, me laisse penser que cela aidera à mieux la faire connaître, même si je reste un amateur.
Une partie des œuvres exposées à Paris ont été réalisées cet été en France. L’ont-elles été dans le même esprit ? Ou ont-elles des particularités ? Si oui, lesquelles ?
H. M. : J’ai effectivement réalisé une cinquantaine de pièces en France, mais la plupart d’entre elles sont ratées. Cela est dû en grande partie au mode de cuisson différent en France. On cuit à une température moins forte et toujours identique, ce qui donne des couleurs très prononcées alors qu’au Japon, on a des couleurs plus proches de la matière première utilisée. Malgré tout j’en présente quelques unes parce qu’elles correspondent aux critères esthétiques anciens. Pour l’essentiel, on retrouve des pièces réalisées au Japon. Je travaille plutôt des bols, des boîtes à thé et des vases à fleurs. Je m’inspire de différents objets que je fais venir de toutes les régions du Japon.
Propos recueillis par Claude Leblanc
Togei Céramiques. Jusqu’au 31 octobre à la
Galerie Yoshii, 8, avenue Matignon 75008 Paris.