Pour ceux qui ont la chance de visionner régulièrement les programmes de télévision nippons, ce qui suit n’a rien d’un scoop: le Japon connaît depuis quelques années un boom d’émissions consacrées à la rénovation d’habitation. Celles-ci mettent en scène des gens ordinaires qui rêvent de voir métamorphosé leur habitat jugé trop vétuste, peu fonctionnel, ringard ou inadapté aux multiples exigences de leur vie de famille. Qui dit gens ordinaires dit moyens financiers limités, d’où le rôle des chaînes de télévision qui n’hésitent pas à prendre en charge le projet de A à Z en échange de l’émotion et du rêve (et donc de l’audience) qu’inspireront leurs clients une fois à l’antenne. Le succès de ce genre d’émissions ne s’est pas fait attendre, à tel point qu’on ne voit parfois plus qu’elles dans les grilles de programmes. Tant d’engouement favorise malheureusement quelques débordements, et on peut se plaindre de l’aspect feuilletonesque que revêtent certaines émissions pour lesquelles la production fait carrément appel à un scénariste professionnel! Quel plaisir peut-on éprouver face à un spectacle où tout est écrit, où l’authenticité des sentiments disparaît au profit de rires et de larmes dictés par la régie? Mais le plus intéressant à mon avis réside dans la petite révolution des mœurs que dissimule cette mode du “reform”. Car dans la plupart des cas, l’habitat conventionnel nippon subit bien plus qu’un simple ravalement de façades et c’est parfois toute la tradition architecturale qui vole en éclat. Voilà des Japonais qui se mettent à rêver de salle de séjours spacieuses, de hauts plafonds et de vues dégagées. L’exiguïté des logements n’est plus une fatalité. Un pan de bois vous encombre? Arrachez-le avec force, il se brisera en quatre syllabes: bari bari. Pierre Ferragut |