D’Isamu Noguchi, on a beaucoup parlé de sa double origine orientale et occidentale, de sa double formation en médecine et en arts. Mais l’exposition de la Maison de la culture du Japon nous fait découvrir que plus qu’à une approche interculturelle, c’est à une esthétique de la nature que Noguchi renvoie.
Entre les lampes de Bambou (akari) des années 60 aux allures arachnéennes et le banc de jardin en granit (1966) qui porte en lui les marques géologiques de son passé organique de minéral, son œuvre met l’accent sur l’inscription de l’homme dans la nature. La mise en scène de Bob Wilson, véritable promenade dans les paysages japonais, est à cet égard remarquable. Cette puissance de la nature, si perceptible au Japon où la nature est la matrice dans laquelle croît la vie sociale (il n’est qu’à penser aux fêtes populaires que suscite la floraison des cerisiers) est à la fois un fondement esthétique et éthique comme le souligne A. Berque . Et s’inscrit à l’encontre de certaines valeurs rationalistes de l’Occident où l’homme se pose comme « maître et possesseur de la nature ». Noguchi prône ici une synergie entre pensées esthétique et rationnelle : ses sculptures-tables (1968-1979) font appel à tous les sens, visuels et tactiles, tout en s’inscrivant dans un projet social d’aménagement d’espaces urbains. Et symboliquement, l’œuvre « Memorial to Benjamin Franklin », 1933-35, bronze chromé sur bois s’inscrit sur un fond d’éclair. Le réinvestissement du sensible dépasse l’alternative nature-culture et abolit la distinction arts plastiques-arts appliqués. Sculptural design ou design of a sculpture ?
La relation de Noguchi à la matière est physique et mentale et cette dialectique permanente rend palpable une vision du monde sensuelle où les mobiles sont des nids d’oiseaux (Bird’s nest, 1947) qui, à l’instar de la table à eau de 1968, permettent de réenchanter le réel.
Alexia Sabatier
a voir:
Isamu Noguchi jusqu’au 14 décembre à la Maison de la Culture du Japon à Paris, 101 bis quai Branly. 75015 Paris.