Aujourd’hui, la Maison de la Culture du Japon à Paris, dont le département audio-visuel est devenu très actif et souvent anti-conventionnel, propose pas moins de quatorze de ses films, dont la plupart inédits en France, du 5 février au 28 mars prochains. Bien sûr, la plupart de ces films sont des produits du genre très populaire du Yakuza-eiga, qui a fait la réputation de Fukasaku au Japon, essentiellement dans les années 1960/70, en particulier grâce à la série Combat sans code d’honneur (Jingi naki tatakai), dès 1973. Il y affichait un goût immodéré de la violence, du nihilisme moral, et … du cadrage oblique, dont il a pratiquement épuisé tous les angles possibles et imaginables! Les (anti) héros de ces films, qui ne sont pas pour les petites filles romantiques, sont des yakuzas en rupture de ban, souvent en lutte solitaire contre leur propre clan, dirigé par des vieux yakuzas pourris, qui ne respectent plus le “jingi”. Dès ses débuts à la Toei, Fukasaku, qui se réclamait d’ailleurs d’un certain cinéma policier français (de Gilles Grangier à J.P. Melville!) s’est affirmé par une exceptionnelle cruauté dans ses histoires de malfrats, Japonais ou étrangers, flanqués de quelques incontournables prostituées (Du Rififi chez les truands/Hakuchu no buraikan, 1961, ou Hommes, porcs et loups/Ookami to buta to ningen, 1964, particulièrement cruel et irrévérencieux). Un des sommets de sa série nihiliste et désespérée, sera le très étonnant Le Cimetière de la morale ( Jingi no hakaba, 1975, sorti en France), inspiré des mémoires du Yakuza-écrivain Fujita Goro. D’ailleurs, aux côtés des acteurs hyper-populaires que furent Tsuruta Koji, Wakayama Tomisaburo ou Sugawara Bunta, Fukasaku n’a pas hésité à utiliser les services de vrais yakuzas comme Ando Noboru, moyennant des arrangements spéciaux entre la Mafia et la Toei. Avec, ou malgré, tous ses excès de mise en scène, parfois répétitifs et gratuits, Fukasaku a en fait sonné le glas des yakuzas “nobles bandits de grand chemin” qui avaient fait la fortune d’un certain cinéma japonais dans les années 50/60. On oublie souvent qu’il a réalisé des dizaines d’autres films de genres très différents, notamment des films de samourais dotés d’une bonne dose de folie et de kitsch, et un film de guerre sortant de l’ordinaire, dont le scénario était signé Shindo Kaneto, Sous les drapeaux, l’enfer (Gunki hatameku motoni, 1972, avec Hidari Sachiko), dont il est assez fier. Il est dommage que, pour des questions de droits appartenant à la famille de Mishima Yukio, on ne puisse plus projeter son fameux film baroque, Le Lézard noir (Kurotokage, 1968), avec le célèbre travesti Miwa Akihiro et Mishima en Saint Sébastien. Comme tous les cinéastes japonais dignes de ce nom, Fukasaku ne prend pas de retraite et continue de tourner à plus de 70 ans, ayant encore défrayé la chronique en 2000 avec son film-scandale, Battle Royale (avec T. Kitano), qui est sorti récemment en France. Son fils contribue d’ailleurs à perpétuer la légende! Si vous voulez goûter au vrai cinéma populaire des années 1970, déjanté et ultra-violent, ne manquez pas cette rétrospective, la plus complète en France à ce jour. Tout cela en attendant la sortie de plusieurs films japonais programmés pour les prochaines semaines: Versus, l’Ultime Guerrier, de Kitamura Ryuhei (un film assez gore, sortie le 20 février), Distance, de Kore-eda Hirokazu (à Cannes 2001, sortie le 27 février), Ring 2, de Nakata Hideo (20 mars), et Avalon, de Oshii Mamoru (3 avril), sans oublier le très attendu Le Voyage de Chihiro (Sen to Chihiro no kamikakushi, le 10 avril), films sur lesquels je reviendrai, c’est promis. Sore ja mata, Max Tessier
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Shin jingi naki tatakai de Fukasaku Kinji (1974)
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