Bon. Alors on n’est pas là pour rigoler. “Le Cratère” est sans doute le manga qui m’a fait le plus d’effet jusqu’à aujourd’hui. Et je vous assure que je ne dis pas ça à chaque note de lecture. Le découpage des recueils en épisodes indépendants qui donnent tous plus ou moins à réfléchir me font penser au feuilleton “La quatrième dimension”. Une histoire simple, un événement surnaturel et une réflexion pseudo-philosophique sont les éléments constituant cette série de nouvelles expérimentales. Le thème de l’avenir revient à plusieurs reprises, notemment dans “Le plus grand des voleurs” et “La maison octogonale”. Dans le premier, le héros se fait aborder par son “lui-futur”. En effet, plongé dans un total désespoir, il serait devenu délinquant puis voleur. Afin d’éviter cette situation, il remonte dans le temps pour se convaincre lui-même de garder espoir. Imaginez deux lignes du temps parallèles. Vous en avez choisi une mais celle-ci ne vous convient pas. Vous aimeriez revenir en arrière n’est-ce pas ? C’est exactement ce que Tezuka a permis à son héros. Idem pour “La maison octogonale”. Le personnage principal hésitant entre une carrière de dessinateur ou de boxeur professionnel, se rend dans une étrange bâtisse isolée permettant soi-disant de modifier la ligne du temps, selon les dires d’une vieille femme énigmatique. Par malheur, les deux tracés temporels finissent par se mélanger et le jeune Ryuichi voit son corps sectionné en deux, une partie se trouvant dans le monde de la boxe et l’autre dans celui de la bande-dessinée. Dans “Ryuichi a la belle vie”, il est question d’une rivière permettant de voyager dans le passé. Ryuichi l’ayant découverte par hasard, peut ainsi revivre les mêmes événements jusqu’à la perfection. Son rival de cœur va vouloir l’utiliser mais le courant de la rivière va l’entraîner jusqu’à bien avant sa naissance, et il va ainsi disparaître. “Le cratère” qui a donné son nom à la série est aussi l’une des nouvelles qui fait le plus réfléchir. Un cosmonaute découvre au cœur d’un cratère lunaire, une substance permettant de maintenir les organismes en vie sans aucune limite. Le corps de l’explorateur finit par se momifier jusqu’au jour où des hommes du futur viennent à sa rencontre. Moyennement perturbé par la présence du gaz lunaire, les nouveaux venus partent en quête d’Uranium à des fins militaires. Une guerre atomique fait rage sur la planète bleue qui finit par être intégralement dépeuplée. Le cosmonaute momifié observe l’horrible spectacle de son cratère, conscient d’être l’unique rescapé du génocide. Tezuka critique encore la guerre dans “Mort pour la patrie” où des généraux militaires souhaite une mort glorieuse à un pilote d’avion parce que “c’est bon pour le moral des troupes”. “Ryuichi fait une expérience étrange” qui clot le premier volume est peut-être la nouvelle la plus touchante. Une jeune fille (Yuko) morte trop tôt vient habiter le corps d’un jeune homme (Ryuichi) en attendant l’ouverture des portes de l’au-de-là. Celui-ci se voit offrir par une espèce de Jésus Christ en smoking, une récompense financière que Ryuichi va utiliser pour payer les frais d’hôpitaux d’une fille irradiée par la bombe atomique. Malheureusement, les effets de la bombe ont eu raison de la pauvre victime qui n’était autre que Yuko elle-même. On ne présente plus Tezuka Osamu (Astro Boy, Black-Jack), disons simplement qu’il est très appréciable que des recueils de nouvelles aux idées si universelles conçues par un auteur si talentueux soient enfin traduits dans notre cher bon vieil hexagone. Julien Ferragut |
Le Cratère
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