Fort de son succès aux dernières élections et d’un taux de popularité approchant les 70%, le premier ministre Koizumi s’est rendu le 13 août dernier au sanctuaire de Yasukuni, lieu dédié aux morts tombés au combat où reposent les criminels de la deuxième guerre mondiale. De fait, Mr Koizumi est le deuxième chef de gouvernement à rendre une telle visite que l’opposition considère comme “arrogante” (parti communiste) et source d’une “perte de crédibilité vis à vis de ses voisins” (parti social-démocrate). A l’étranger, Pékin a fait part de son indignation et à Séoul, en signe de protestation, vingt coréens se sont coupés la première phalange du petit doigt. Cette visite est à replacer dans un Japon qui “…traverse une crise politique et économique, mais plus gravement, une crise de confiance qui engendre un climat d’inquiétude latente propice au dolorisme ou à l’embellissement du passé.” Mais comme en témoigne Sun Uk Kyong, historienne coréenne : “ Même si l’énorme majorité des jeunes japonais n’a rien à faire de cette logorrhée nationaliste, la blessure reste ouverte ”. A preuve : l’ampleur du massacre de Nankin que les nouveaux manuels scolaires d’histoire persistent à occulter.
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Richard Werly, “Les criminels de guerre toujours vénérés”, Libération, 10/08/01, Y.Bougon, “Koizumi dans le sanctuaire du militarisme nippon”, Le Figaro, 1308/01 P.Pons, “Le Japon ouvre un grand débat sur son passé militariste”, Le Monde, 15/08/01. |
SCIENCE SANS CONSCIENCE…. A la frontière du militaire et du civil, un vol expérimental mais décisif a eu lieu le 26 aôut dernier. Il s’agit du lancement réussi de la fusée H2A le 26 août qui permet de considérer le Japon comme une nouvelle puissance spatiale… à moins que pour des raisons budgétaires les crédits soient amputés. Si les Etats-Unis et les pays de la région craignent que ces nouvelles fusées servent à placer en orbite des satellites espions, l’Europe voit plutôt dans la fusée H2A une concurrente directe à Ariane 5 qui a lancé jusqu’à maintenant 18 satellites japonais. Ainsi la recherche japonaise aussi bien fondamentale qu’expérimentale est en pointe dans certains domaines et plus particulièrement la neurobiologie. Si certains petits robots se sont déjà vendus à plusieurs milliers d’exemplaires pour répondre aux besoins de personnes âgées, la grande nouveauté est que le Japon s’est lancé dans un programme très ambitieux. L’Institut du cerveau Riken à Wako s’est fixé pour but de comprendre, protéger et créer le cerveau en planifiant des perspectives de résultats pour les cinq, dix, quinze et vingt prochaines années. “Les avancées scientifiques ne sont peut-être pas seulement un rêve ou un cauchemar. Elles impliquent des évolutions plus insolites que dans les domaines du génome, d’internet ou du clonage….” |
Richard Werly, “L’espace fait rêver le Japon”, Libération, 29/08/01. Mariano Sigman, “Des chercheurs japonais créent un nouveau cerveau”, Le Monde Diplomatique, Août 01. Ph.Pons & E.Bursaux, “Une nouvelle technique ouvre la fécondation in vitro aux porteurs du sida”, Le Monde, 21/08 |
NATURE, CULTURE & SOCIETE Augustin Berque, géographe et phénoménologue, auteur de plusieurs ouvrages sur le Japon dont “Le sauvage et l’artifice” (Ed Gallimard) a accordé un long interview à Libération dans lequel il nous rappelle les grandes principes qui sous-tendent la société japonaise. Il s’attache à nous présenter le concept du “ fûdo ”, terme pour désigner le milieu mais qui en fait recouvre bien davantage que l’environnement naturel car s’y ajoute une dimension culturelle. Ni objectif, ni subjectif, le milieu serait “ trajectif ”. Il n’en ressort pas moins que l’attitude des japonais à l’égard de la nature reste paradoxale. D’un côté, la société japonaise, de 1950 à 1970, a procédé à une destruction à grande échelle de son environnement naturel. D’un autre côté, cette société n’a cessé de témoigner d’une grande sensibilité à la nature ; l’une des manifestations les plus remarquables de cette sensibilité étant les dictionnaires consacrées aux mots des saisons (kigo). De nos jours, les grandes cités japonaises évoquent souvent un grand désordre. et dans ce chaos urbanistique fortement esthétisé depuis les années 80, de grands changements minent la société. Certe l’insécurité reste beaucoup plus faible qu’en France, mais les chiffres parlent d’eux mêmes : pour la première fois depuis 35 ans, les prisons sont pleines. |
A. Berque & S.Allemand, “La nature, source de l’ordre social”, Libération, 25/08/01. Ph. Pons, “Mondialisation du milieu et normalisation de l’insécurité”, Le Monde, 7-8/08/01. |
B.B |