Comme chaque année, la 9ème édition de “l’Etrange Festival” (du 22 août au 4 sept.) a fait le plein au Forum des Images, aux Halles. L’image “trash” et bizarre de ce festival pas comme les autres, habilement mené et programmé, la rareté réelle de la plupart des films présentés, suffisent à attirer un public jeune et boulimique, avide de dévorer la pâtée pas toujours très digeste qu’on lui sert généreusement. Ici, pas de Godard, de Garrel ou de Straub, mais Norman Mailer (présent pour ses films), Barbara Steele, et du bien saignant, de l’horreur, du gore, des effets très spéciaux, du sexe en tous genres, du noir broyé à souhait – et finalement, on apprécie, jusqu’à l’indigestion inévitable suivant les repas trop plantureux…
Pour ce qui nous intéresse, le cinéma japonais était encore à l’honneur cette année, avec deux hommages, l’un à FukasAku Kinji, l’autre, plus étoffé, au très impur Ishii Takashi, sans parler des films présentés en avant-première, comme Avalon, le dernier opus “live” d’Oshii Mamoru (déjà passé à Cannes), ou le dernier film d’Ishii Sogo, GOJOE, sorte “d’heroic fantasy” japonaise bourrée d’effets spéciaux, et dont il faut bien dire qu’il est à moitié raté, et vite lassant. Côté Fukasaku, l’hommage ne comprenait que six films (sur la quinzaine projetée à Rotterdam 2000, mais les copies coûtent cher), désignés sous des titres français inventés pour l’occasion – mais sans mention du titre original -, dont le mythique Le Cimetière de la Morale (Jingi no hakaba, 1975), sans doute le plus nihiliste des films du grand prêtre du yakuza-eiga. Mais on pouvait voir aussi l’étonnamment cruel Du Rififi chez les truands (Hakuchu no buraikan, 1961), Le Caïd de Yokohama (Nihon boryokudan: kumicho, 1969), La Guerre des gangs à Okinawa (Bakuto gaijin butai, 1971), et son très curieux film anti-guerre, Sous les drapeaux, l’enfer (Gunki hatameku motoni, 1972), qui fut un échec commercial au Japon. L’évènement fut évidemment l’avant-première du dernier Fukasaku, Battle Royale (2000), sorte de “reality-show” ultra-violent, où des collégiens s’éliminent froidement sous la direction” de Kitano Takeshi, et qui fit grand scandale au Japon l’an dernier, pour “ incitation à la violence des étudiants”. La plupart des critiques qui “découvraient” Fukasaku, sa violence, son goût pour l’underground, et ses cadrages obliques, ont naturellement omis de préciser que plusieurs de ses films sont tout de même sortis en France, tels Le Cimetière de la Morale, Qui est le boss à Hiroshima?, Virus (Fukkatsu no hi), ou le célèbre Lézard Noir (Kurotokage, 1968), projeté ici en catimini à cause de la présence (fugitive) de Y.Mishima. Bref, un hommage mérité, mais une semi-découverte.
Quant à Ishii Takashi, qui fut mieux “hommagé” avec neuf films, disons tout de suite que ce “petit génie” du film noir et de l’ultra-violence à la japonaise est très surestimé, en dehors d’un vernis technique certain qui n’épate plus personne. Si GONIN (1 et 2) ont, un peu, renouvelé le yakuza-eiga, Black Angel (1 et 2) devient vite fastidieux et répétitif dans la thématique et le traitement aux hormones esthétiques. Comme T.Miike, T.Ishii est un cinéaste brillant mais creux, et bénéficie du phénomène de mode insatiable favorisant tout (et n’importe quoi) ce qui vient actuellement de l’Archipel.
A revoir dans dix ans, avec un vrai recul. Ni Fukasaku, ni Ishii n’étaient présents au festival – mais Fukasaku l’était plus, par l’intermédiaire de mini-interviews en vidéo.
Que nous concocte l’Etrange Festival pour l’an prochain? On suppose que ce ne sera pas un hommage à Ozu…
Sore ja mata,
Max Tessier
– les films Avalon, Battle Royale, et Gojoe, devraient sortir en France d’ici à quelques mois.On y reviendra.