Au lendemain de consécration internationale incarnée par le prix Nobel de littérature 1994, OE Kenzaburô avait annoncé son intention de ne plus écrire de romans pour se consacrer à la rédaction d’essais. L’auteur d’Arrachez les bourgeons, tirez sur les enfants (Gallimard, 1996) n’a cependant pas résisté à l’appel de la feuille blanche pour renouer avec le genre romanesque, lequel devait sans doute lui manquer. Même s’il a pu dire qu’il n’avait plus rien à apporter au roman, son nouvel opus Chûgaeri (Le saut périlleux), qu’il vient de publier aux éditions Kôdansha, montre qu’il n’a rien perdu de sa verve et de sa qualité de conteur. Dans cet ouvrage en deux volumes – près de 1 000 pages en japonais ! – OE aborde un sujet Ô combien sensible au Japon, celui de la religion ou plutôt des nouvelles religions et de l’attrait qu’elles ont sur la jeunesse. Même si le romancier ne cite pas la secte Aum, il en est question tout au long de l’ouvrage.
Et ici il ne s’agit pas de contourner le problème en dressant un simple constat, Oe attaque de front un sujet que de nombreux intellectuels japonais ont préféré éviter, ne sachant pas quelles réponses donner à une jeunesse en plein désarroi. L’écrivain ne tombe pas non plus dans le pessimisme car cela ne mène à rien. Son objectif est d’offrir une alternative ou du moins d’en suggérer une. Et la fin du roman en est l’illustration puisqu’il laisse aux lecteurs le soin d’imaginer l’avenir. Reste à savoir si les jeunes qui sont au cur de cette histoire liront ce formidable roman. Rien n’est moins sûr.
Odaira Namihei