Des “trois grands” de la Nouvelle vague nippone, Imamura décédé en 2006 et Oshima paralysé à vie, il ne reste en activité que Yoshida Kijû (voir notre entretien p.14), dont l’œuvre cinématographique fut l’une des plus fulgurantes des années 1960-70. Le voici de nouveau sur le devant de la scène avec une rétrospectivce intégrale intitulée “Kijû Yoshida, Visions de la Beauté” au Centre Pompidou qu’il inaugurera en compagnie de sa femme, l’actrice Okada Mariko, rencontrée lors du tournage de La Source thermale d’Akitsu (Akitsu onsen, 1962).
Parallèlement et en collaboration étroite, Carlotta Films ressort en salles le 2 avril deux de ses films phares La Source thermale d’Akitsu et le mythique Eros + Massacre (Eros + Gyakusatsu, 1969). Suivront, le 9 avril, deux coffrets DVD. Le premier, consacré à la période 1960-64, comprend notamment Bon à rien (Rokudenashi, 1960, une sorte d’hommage au Godard d’A bout de souffle), Evasion du Japon (Nippon dasshutsu, 1964), 18 jeunes gens à l’appel de l’orage (Arashi o yobu jûhachinin,1963). Le second, allant de 1965 à 1968, propose cinq films, dont le très calligraphique et freudien Histoire écrite sur l’eau (Mizu de kakareta monogatari, 1965) et Le Lac des femmes (Onna no mizuumi, 1966). La cerise sur le gâteau sera le Coffret Collector des deux versions d’Eros + Massacre, l’originale (3h29) et celle (2h48) que Yoshida avait coupée en raison d’un procès intenté par l’une des femmes incriminées dans le film à l’époque. Voici donc, après plusieurs hommages partiels dans divers festivals, l’occasion unique de redécouvrir dans sa perspective l’œuvre de Yoshida Kijû (ex-Yoshishige), cinéaste orgueilleux et passionné, intellectuel féru de littérature et de cinéma français et italien. Il fut l’un des piliers fondateurs de la fameuse Nouvelle vague des studios de la Shôchiku. Son génie de l’expérimentation (jusqu’à l’ésotérique) et l’acuité de son écriture à la fois radicale et élégante font de lui un “auteur” incontournable qui n’a presque jamais fait aucune concession, sauf au plus bas de sa carrière chaotique dans les années 1970 après l’échec de Coup d’Etat (Kaigenrei, 1973). Sans nul doute “élitiste”, Yoshida a su construire une œuvre ambitieuse et de haute volée grâce à son obstination orgueilleuse et à sa propre révolution du langage. Restera à découvrir son œuvre de fiction au-delà des années 1960 toujours grâce à Carlotta qui annonce l’intégrale de ses films de fiction du fascinant Coup d’Etat sur l’anarchiste de droite Kita Ikki, avec l’excellent Mikuni Rentarô, jusqu’à la revisitation du thème d’Hiroshima, dans Femmes en miroir (Kagami no onnatachi, 2002), en passant par le magnifique Promesse (Yakusoku, 1986). Si après ça, vous ignorez encore l’œuvre de Yoshida, c’est que vous y mettez vraiment de la mauvaise volonté… Max Tessier |
Rétrospective Kijû Yoshida, Visions de la beauté. Centre Pompidou du 26 mars au 19 mai 2008. www.centrepompidou.fr |
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