C’est la disparition soudaine d’un jeune et très prometteur footballeur nigérian alors qu’il devait être transféré d’un club européen à un club japonais qui va déclencher une enquête menée tambours battants et sur quasi tous les fronts. Attachez vos ceintures, car c’est une affaire bien ficelée, soutenue, plein de suspens qui se déroule sur une période d’une vingtaine de jours, nous conduisant de l’Afrique (Sénégal et Nigeria) au Japon en passant par la Sibérie et la France. De sauts de puces en sauts de puces, c’est à Paris que tout va se dénouer grâce à M. Kishimoto, flic japonais à la retraite et à l’inénarrable Mme Diop. De toutes les descriptions méticuleuses de lieux, de situations et de gestes, c’est à se demander s’il n’y a pas quelque chose de bien vrai dans toute cette affaire. A suivre… Il fallait les connaissances réunies de deux journalistes férus non seulement de sport, mais de géopolitique pour nous dévoiler les dessous du monde interlope qui est celui du ballon rond. Ce roman est sorti à la veille de la Coupe du monde 2006 qui s’est déroulée en Allemagne, mais il reste d’actualité : yakuzas, obchtchak et autres Bakassi boys sont toujours là et ne sont prêts de disparaître. Saluons l’initiative de L’Ecailler du sud, maison d’édition spécialisée dans le polar “marseillais” d’avoir ouvert sa collection au polar “tricontinental” ! B. B. |
Ballon noir, de Pierre Cherruau & Claude Leblanc, éd. L’Ecailler du Sud, 2006, 14euros. |
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NOTE DE LECTURE : UNE CITOYENNE PAS COMME LES AUTRES | |
Mine Okubo est américaine. En avril 1942, cette jeune femme, comme des milliers d’autres Américains d’origine japonaise, est devenue un numéro. Le numéro 13 660, pour être précis. De citoyenne ordinaire, professeur de dessin, elle est devenue une pestiférée qu’il fallait à tout prix enfermer, de peur que ses racines japonaises ne prennent le dessus et ne la conduisent à trahir. Mine Okubo relate avec force dessins le quotidien de ces hommes et ces femmes qui ont tout perdu du jour au lendemain. Ce roman visuel illustre ce que les “évacués”, comme on les appelait alors, ont vécu dans les camps. “Nous étions assez près de la liberté, et en même temps très loin”, explique sarcastiquement l’auteur. Implanté le long d’une grande route où un flot de voitures passait toute la journée, le camp n’en était pas moins entouré de miradors et de barbelés interdisant toute sortie aux détenus. Malgré la dureté des conditions de vie pour cette population dont le seul crime était d’avoir du sang japonais dans les veines, la dessinatrice ne porte aucune accusation. Elle souhaite seulement montrer l’injustice d’une situation que les autorités ont longtemps voulu ignorer. Publié en 1946 aux Etats-Unis, cet ouvrage a souvent été réédité. Il a permis à l’opinion publique américaine d’appréhender cette question. Pourtant, ce n’est qu’en 1988 que les pouvoirs publics ont présenté des excuses officielles. “Je ne suis pas amère”, affirme Mine Okubo dans l’introduction, mais on sent bien dans ce témoignage puissant toute la volonté d’une femme qui ne veut plus voir ce genre d’histoire se répéter. C. L. |
Citoyenne 13 660, de Mine Okubo, trad. de l’anglais par Thierry Groensteen, Editions de l’An 2, 2006, 24euros. |