Cet ouvrage attire tout d’abord le regard en raison de son format (30x30cm). Son titre, ensuite, éveille la curiosité et invite sans attendre à le parcourir du regard. De fait, le sujet abordé est original, hors du commun, puisqu’il s’agit d’un reportage photographique sur les samouraïs pris dans la tourmente révolutionnaire de l’ère Meiji (1868-1912), période durant laquelle le Japon fut secoué de fond en comble. Précisons tout de suite que le terme samouraï est un mot générique employé ici pour désigner la classe des guerriers dans son ensemble (bushi), parmi laquelle se trouvaient aussi des fonctionnaires, des administrateurs, des lettrés, des savants et des artistes. Cette époque mouvementée a été couverte par des photographes nationaux ou occidentaux, à la fois techniciens et esthètes, qui ont immortalisé les protagonistes de la restauration du pouvoir impérial. Les photographies monochromes pour les unes, coloriées pour le reste, et souvent inédites, illustrent donc le crépuscule des derniers samouraïs. On retrouve les portraits photographiques des principaux personnages du Japon de Meiji : l’Empereur bien sûr, le dernier shôgun Tokugawa Yoshinobu, Fukuzawa Yukichi, Sakamoto Ryôma, Itô Hirobumi, Saigô Takamori, le général Nogi et bien d’autres encore. On en découvre aussi de moins connus, tel Mitsukuri Genpo, alors spécialiste des études hollandaises (rangaku), mais aussi des rônin (samouraïs sans maîtres) ainsi que quelques Occidentaux (le docteur Pompe, Thomas Glover, le capitaine français Brunet…). Les textes d’accompagnement analysent les photographies, déroulent la vie des personnalités photographiées en les restituant dans le contexte historique, et distillent des informations sur les photographes en nous informant sur les Japonais (Ueno Hikoma, Uchida Kuichi, Yokoyama Matsusaburô), ou bien en commentant l’art des photographes occidentaux (Felice Beato, le baron Stillfried, Philippe Potteau et même Paul Nadar, qui photographia des samouraïs en ambassade à Paris). Si la qualité de l’ouvrage est des plus réussie, avec une esthétique délicate évoquant discrètement l’art japonais (équilibre plein/vide, kakemono), on pourra peut-être trouver à redire à ses introductions de chapitres, qui sont purement conceptuelles : une simple photographie en bandeau, sans aucun texte d’accompagnement. Il faut bien admettre que rares seront ceux qui pourront immédiatement identifier, par exemple, le château du shôgun à Edo (p. 8). Enfin, on aurait peut-être aimé en savoir un peu plus sur les techniques photographiques de l’époque… Il convient toutefois de reconnaître que l’objet de cet ouvrage n’était probablement pas de délivrer une information exhaustive, et la volonté délibérée des auteurs de valoriser la beauté des photographies des héros de Meiji les a certainement obligé à prendre quelques raccourcis. Reste que ce livre raffiné s’impose comme une référence en matière de photographies sur les samouraïs (l’ouvrage se termine d’ailleurs par un index très détaillé de toutes les reproductions). Un plaisir pour les yeux et, somme toute, une balade divertissante dans l’univers complexe de la révolution japonaise. Clément Bonnier
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![]() LLes Derniers samouraïs Claude Estèbe, Didier du Castel et François Daudier Marval 2001, 132 p., 84 photographies en couleurs, 59,90e (390 F) |
