L’actualité du cinéma japonais ne se dément pas, comme le prouve la sortie de deux films au thème assez proche, le 23 juin prochain. Tout d’abord, l’avant-dernier film inédit de Kitano Takeshi (alors que L’été de Kikujiro vient d’être présenté à Cannes), A scene at the sea (Ano natsu, ichiban shizukana umi, 1991). Film atypique de Takeshi, dans la mesure où il n’y joue pas, et où le récit est pratiquement exempt de toute violence et de yakuzas. Il s’agit de l’histoire d’amour discrète de deux jeunes sourds-muets, dont le garçon, employé de la voirie, (joué par Maki Kurodo), rêve d’être un champion de surf, avec l’aide muette de sa jeune compagne (Oshima Hiroko). C’est tout, le scénario se résume à trois lignes, mais là où d’autres cinéastes japonais auraient exploité le côté sentimental de cette histoire exemplaire, Kitano fait merveille en traitant son récit avec un style visuel dépouillé et raffiné, et en ayant recours, bien entendu, au non-dit. Il dresse surtout le portrait délicieusement humoristique d’une certaine jeunesse japonaise qui n’a d’autre ambition que de traîner à la plage et de devenir champion de surf. On retrouve aussi la merveilleuse musique de Joe Hisaishi, qui achève de faire du film un petit bijou de la “nouvelle vague” kitanesque.
Autre film “ancien” – 1993 ! – qui nous est proposé, Petite fièvre des vingt ans (Hatachi no kinetsu) est le premier long métrage, en 16 mm, de Hashiguchi Ryosuke, qui avait remporté deux prix au PIA Film Festival pour des moyens métrages en 8mm, et auteur de Grains de sable (Nagisa no shindobad, 1995) déjà sorti en France. Dans Petite fièvre des vingt ans, il s’essaie avec talent au portrait dédramatisé d’une autre jeunesse, celle de jeunes homosexuels libres de leurs corps, mais qui gardent jalousement leurs sentiments. Il suit Tatsuru et Shin, deux étudiants qui travaillent au bar gay “Pinocchio” et qui sont un peu déboussolés. Avec une finesse de touche préfigurant Grains de sable, Hashiguchi, qui se réclame de Truffaut et de Bresson, filme ses personnages tels qu’ils sont, et vont se découvrir, jusqu’à la scène finale, où ils sont confrontés à un client exigeant. Il met aussi le doigt sur un phénomène social qui défraie de plus en plus la chronique japonaise, le Enjo Kosai, traduit par “soutien financier à la sociabilité”. Dans Leaving (Bounce Ko-gyaru, 1997), Harada Masato a décrit ce phénomène, dans une tonalité beaucoup plus sensationnelle et dramatique, là où Hashiguchi cherche avant tout la justesse de ton et à “étendre le champ d’action du cinéma”. Max Tessier A scene at the sea (Ano natsu, ichiban shizukana umi) de Kitano Takeshi, 1991, 1h41. |