Regardez-moi donc ces Français, à toujours faire gesticuler leurs mains dans tous les sens quand ils parlent! Ce n’est pas moi qui le dis mais tous ces étudiants en français époustouflés par la gestuelle de leur professeur: leur regard les trahit, obnubilés par tous ces moulinets à en oublier d’écouter ce qu’on leur dit. Si le Français avait déjà la réputation de souvent parler pour ne rien dire, le voilà maintenant accusé de s’agiter inutilement. Du vent ? En voici, en voilà! Et le geste rejoint la parole. En comparaison, le Japonais peut certes paraître bien terne, mais sa culture justifie bien des choses. Qu’il s’agisse de calligraphie ou de cérémonie du thé, plutôt que le résultat, c’est davantage la manière de procéder qui compte. C’est même le degré d’accomplis-sement du procédé qui conditionne le résultat. Le pratiquant de kyûdô (tir à l’arc traditionnel) recherche avant tout le perfectionnement de sa posture corporelle, et l’expression du lâcher de flèche continue une fois celle-ci partie fendre l’air dans ce qu’on appelle le zanshin. Le corps reste ainsi immobile, figé pour encore quelques secondes dans le calme absolu : jiiiih. Pas de place pour le futile. Le dépouillement des gestes exigé par une telle culture impose certains critères esthétiques. L’élégance n’est alors pas celle de l’Occidental qui s’extériorise à chaque mouvement, mais elle est faite de retenue, d’une gestuelle subtilement dosée et pour le moins économe. Posément beau.