Nombre de personnes ont la fâcheuse habitude de considérer le manga comme un ensemble d’œuvres de mauvaises qualité qui ne méritent pas qu’on les approche. Pourtant le manga “évoque une manière particulière de dessin, inventée par le peintre Katsushika Hokusai”, rappelle Fabien Tillon dans son Culture Manga paru à l’automne 2006 chez Nouveau Monde Editions. Personne n’oserait aujourd’hui dire des travaux du maître des estampes qu’ils ne valent pas grand chose quand on sait son influence sur les artistes occidentaux de la fin du XIXème et du début du XXème siècle. C’est d’ailleurs l’une des grandes qualités de l’ouvrage de Fabien Tillon que de resituer le manga dans son contexte historique, rappelant au passage quelques vérités historiques qui permettent de saisir l’incroyable succès du manga dans la société japonaise prédisposée dans la mesure où “la civilisation japonaise est une civilisation de l’image”. Il a néanmoins fallu la confrontation avec l’Occident pour que le manga, dans son acception moderne, ne se développe dans l’Archipel, ajoute l’auteur qui nous conduit au cœur de la culture manga, offrant ainsi les clés à ceux qui veulent les saisir d’un monde qui n’est pas toujours facile à aborder, il faut bien le reconnaître, dans la mesure où les éditeurs français se sont lancés dans une exploitation du filon sans toujours faire preuve de pédagogie vis-à-vis d’un public peu habitué à ce genre de littérature. Parmi les éditeurs qui ont une politique éditoriale claire, il convient de citer Le Lézard noir. Implanté à Poitiers, il a fait le choix de ne publier que des œuvres “pour public averti”, c’est-à-dire adulte, permettant ainsi de découvrir des genres comme l’Ero-guro (érotique-grotesque) dont le maître est l’énigmatique Maruo Suehiro. On lui doit notamment Vampyre dont les deux volumes ont été publiés par Le Lézard noir en 2006. Dire que la lecture en est facile serait mentir, mais il y a dans ce manga une force singulière qui attire le lecteur à poursuivre sa lecture jusqu’au bout. Maruo Suehiro dénonce dans cette histoire grand guignolesque pour le moins crue toute la cruauté de notre société contemporaine. Il dresse ainsi un rapport d’observation des comportements humains les moins avouables, ce qui ne manque pas de glacer le sang du lecteur à certains moments comme dans La Jeune fille aux camélias du même auteur paru en 2005 chez IMHO. Autre publication intéressante que l’on doit au Lézard noir, Eiko de Kondoh Akino, un receuil de sept nouvelles graphiques bien différent de l’œuvre de Maruo, qui fait aussi appel à l’univers du rêve, mais d’une façon beaucoup moins morbide. On se régale ainsi du graphisme parfaitement maîtrisé de cette jeune artiste née en 1980. Le domaine de prédilection de Kondoh est la jeune fille dont elle décortique l’imaginaire avec un talent inégalé. Jouant sur l’innocence et la cruauté de ses personnages, l’auteure dresse un portrait puissant de la collégienne japonaise souvent au cœur de nombreux fantasmes masculins dans l’Archipel. Claude Leblanc |
La Culture manga, de Fabien Tillon, éd. Nouveau monde, 2006, 17euros.
Eiko, de Kondoh Akino, trad. par Miyako Slocombe, éd. Le Lézard noir, 2006, 17euros. |
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