L’Art Nouveau. En France, cette expression évoque pour beaucoup l’Ecole de Nancy. Et pour de nombreux Parisiens, elle rappelle les entrées de certaines stations de métro comme celle des Abbesses sur la ligne 12. Peu de gens savent que l’Art Nouveau doit beaucoup à l’art japonais, du moins à son introduction en Europe par certains esprits éclairés. Siegfried Bing était l’un d’eux. Ce marchand d’art et collectionneur a été l’un des personnages les plus importants dans la diffusion de l’art japonais en Occident, lequel a ensuite influencé de très nombreux artistes et artisans. C’est à cet homme ouvert que le musée Van Gogh à Amsterdam rend hommage au travers d’une exposition exceptionnelle baptisée L’Art Nouveau, la maison Bing. Fondée en 1895, l’enseigne de sa galerie parisienne, L’Art Nouveau, est devenu le nom du courant artistique autour de 1900. Grâce à d’immenses photographies des façades et des intérieurs de la galerie, le visiteur a ainsi l’impression de pénétrer chez Bing, de comprendre son esthétique décorative. Répondant à ce mur d’images très évocatrices, des vitrines, spécialement conçues pour l’exposition, présentent des collections d’art japonais dont Bing fut un découvreur et un actif diffuseur dès les années 1870, allant du brûle-parfums au masque de théâtre Nô. Son action en ce domaine, qui culmine en 1890 avec l’organisation d’une exposition consacrée à l’estampe japonaise à l’Ecole des Beaux-Arts de Paris, fait en effet de Siegfried Bing le grand spécialiste du Japon. Sa revue Le Japon artistique, dont on peut voir plusieurs exemplaires, est d’ailleurs une bible pour nombre d’artistes intéressés par la question. Les objets présentés, tous de premier plan, confirment l’influence considérable de ce nouveau japonisme sur l’art et les arts décoratifs en Europe. Au dernier étage de l’exposition, il est possible d’admirer plusieurs estampes japonaises que Van Gogh avaient achetées auprès de Bing ainsi que des tableaux réalisés par le peintre hollandais et inspirés par les œuvres des grands maîtres du monde flottant, à l’instar des fameux Pruniers en fleurs d’après Hiroshige. Au-delà de l’impact que l’art japonais a pu avoir sur le travail d’artistes comme Van Gogh, l’exposition Bing montre clairement que les techniques utilisées par les artisans japonais ont influencé de très nombreux artisans en Europe, mais aussi aux Etats-Unis. Les responsables de cette belle réussite muséographique ont déniché quelques trésors comme ce superbe vase réalisé par un céramiste japonais installé outre-Atlantique dont le motif de fleur orangée rappelle les plus belles réalisations traditionnelles japonaises. L’intérêt que Siegfried Bing porte à l’art japonais lui vaudra de recevoir en 1890 la Légion d’honneur pour son travail de promotion. En parcourant les trois étages que le musée Van Gogh a réservés aux quelque 400 objets et œuvres d’art rassemblés pour l’occasion, on prend la mesure du chemin parcouru entre l’introduction des premiers objets venus du Japon et la façon dont les artistes et artisans occidentaux les ont interprétés. En quelque sorte, on assiste aux premices de la mondialisation sous son aspect le plus noble, à savoir celui des échanges culturels dont chacun tire finalement profit. Claude Leblanc |
Pruniers en fleurs (d’après Hiroshige) Musée Van Gogh : Paulus Potterstraat 7, Amsterdam. Tél. : +31 (0)570 52 00. www.vangoghmuseum.nl |
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