Le 27 février dernier, le tribunal a condamné Matsumoto Chizuo, alias Asahara Shôkô, à la peine de mort par pendaison, pour son rôle de commanditaire dans l’attentat au gaz sarin du 20 mars 1995, dans le métro de Tokyo. Avant lui, 11 des 189 accusés ont été condamnés. Cependant, aucun motif expliquant les attentats n’a été donné par les personnes mises en accusation. Asahara lui-même est resté muet, tout le long des 256 audiences (à raison de 4 par mois) menées ces 8 dernières années. Celui qui, en 1995, était vénéré comme un Bouddha capable de lévitation par ses 14000 adeptes (la secte dénombrait aussi plusieurs antennes à travers le monde), est aujourd’hui considéré comme un «criminel haineux», un charlatan, un fou dont la psychologie est incom-préhensible. Deux mois avant l’attentat, Kobe venait de subir le plus grand tremblement de terre de son histoire, faisant 5000 morts. Le choc fut profond, mais l’auteur du drame était l’incontrôlable Nature, et ne remettait pas en cause la société japonaise. Le geste commandité par Asahara et ses «lieutenants» (dont l’impact notamment auprès de jeunes diplômés d’université de renom, devint plus fort avec l’éclatement de la bulle spéculative) plaçait la société face à elle même. Sous le choc cependant, une majorité de la population japonaise a refusé de voir dans sa société moderne le fondement d’une telle «dérive», cherchant des chefs d’accusation dans les mangas, l’absence du père, ou encore un vide spirituel, comme on le fait régulièrement en Occident avec le Roi Lion, Marylin Manson ou les dangereux chefs spirituels de «l’Axe du Mal».
Michel Temman, “L’âme d’Aum damnée au Japon“, Libération, 28 et 29/02/2004
Philippe Pons, “Le gourou japonais de la secte Aum a été condamné à mort par pendaison“, Le Monde, 28/02/2004.
A PRENDRE AVEC DES BAGUETTES
Voilà qu’actuellement, les baguettes japonaises enflamment les défenseurs des forêts. Les ustensiles incriminés sont ceux que l’on nomme «waribashi», ces baguettes de bois prédécoupé que l’on sépare en lançant son coutumier «itadakimasu» [bon appétit] avant de se jeter sur son repas ou sur l’un des en-cas de la journée. Le Japon est le premier importateur de bois tropical du monde, dont 1 % est dévolu à la production de ces baguettes. Des sociétés comme Daishowa Marubeni ou Mitsubishi exploitent des forêts en Asie, dans le Pacifique et en Amérique du Nord, notamment les parcs anciens du Canada. Au total, 55 millions de baguettes en bois sont jetées chaque jour au Japon, soit 20 milliards de paires par an. Cette coutume vieille de plusieurs siècles, et qui distingue le Japon de ses voisins asiatiques qui les utilisent en laque, en acier inoxydable ou en plastique, fait s’inquiéter les ONG, jubiler les responsables locaux des forêts, et se justifier ceux qui rappellent que le Japon finance un tiers des fonds mondiaux consacrés aux nouvelles plantations.
Michel Temman, “Japon : une polémique à manier avec des baguettes”, Libération, 26/02/2004.
PERIL DANS LA BASSE-COUR
Le 17 février dernier, la grippe aviaire récidivait au Japon, dans l’île de Kyûshû, en infectant treize poulets et un canard, ceux-ci semblant mieux résister que leurs congénères non palmés… Dans la famille des poulets, il semble que ce soit le coq de combat précisément, qui soit un moteur à la propagation de la maladie en Thaïlande, où le combat de coq équivaut à notre PMU… Le massacre de milliers de volailles a lieu partout : au Japon, en Corée du Sud, en Chine, Thaïlande, auVietnam, Laos, Cambodge, en Indonésie, et aux Etats-Unis… Quand on sait que Yoshinoya, la chaîne nippone de restauration rapide, vient de suspendre la vente de son célèbre gyûdon à 280 yens (bol de riz surmonté d’un pot au feu de bœuf), parce qu’il importait du bœuf d’origine américaine, moins onéreux que le bœuf japonais… Que le poisson quotidiennement consommé au Japon : le thon, le saumon et la bonite, sont plus atteints de pollution par le mercure, le plomb et les antibiotiques que les poissons à chair blanche… Que va t’on devenir si le toridon lui-même, équivalent «poulailler» du gyûdon se fait plus rare ? SOS aux appétits frustrés !
Jean-Michel Bader, “Deuxième foyer au Japon, mais l’OMS rassurante”, Le Figaro, 18/02/2004. Marianne Bié