Si les hommages à Ozu, Mizoguchi ou Kurosawa ne sont pas monnaie rare, d’autres cinéastes japonais de “l’âge d’or” des années 1930/60 sont trop souvent relégués dans l’ombre par une critique campant trop sur ses positions “d’auteur”. C’est le cas d’Ichikawa Kon (né en 1915), à qui la Maison de la Culture du Japon à Paris (MCJP), sous la férule du très actif Fabrice Arduini, rend hommage en 19 films jusqu’au 27 mars. En l’absence d’Ichikawa, trop âgé, l’invité d’honneur est le célèbre chef-opérateur Okazaki Kôzô, qui a dirigé entre autres la photo de Je suis un chat (Wagahai wa neko de aru, 1975, d’après Natsume Sôseki), projeté en sa présence le 20 mars à 19h30. Ichikawa Kon, cinéaste versatile et touche à tous les genres, est surtout connu ici pour ses drames modernes, tels La Harpe de Birmanie (Biruma no tategoto, 1956), Le Pavillon d’Or (Enjô, 1958, d’après le roman de Mishima, admirateur d’Ichikawa), La Confession impudique (Kagi, 1958, d’après Tanizaki), ou encore l’extraordinaire film de guerre Feux dans la Plaine (Nobi, 1959, d’après Ooka Shôhei). Mais on oublie trop qu’il fut d’abord et avant tout, et grâce à la fidèle collaboration de sa femme-scénariste Wada Nattô, un exceptionnel auteur de comédies avec son confrère Kinoshita. Dans ce registre, la MCJP présente entre autres l’excellent Mr Poo (Pû-san, 1953, d’après Yokoyama Taizô), et la satire acérée de la société japonaise “démocra-tique”, Le Train bondé (Man’in densha, 1957), l’un de ses meilleurs films. Surnommé le “Frank Capra japonais” par la critique de l’époque, Ichikawa porte un regard aigu sur les tares du Japon d’après-guerre, pris entre la démocratie “à l’américaine”, et certaines obsessions morales qui lui collent à la peau. Après la transition des années 1960 (Tokyo Olympiades, 1964, et l’excellent La Vengeance d’un acteur (Yukinojô henge, 1963), et un passage difficle dans les années 70, où il dut s’adapter aux critères commerciaux du producteur-éditeur Kadokawa Haruki, en pleine décadence de l’industrie du cinéma, Ichikawa continua imperturbablement à tourner des films, bon an mal an, parmi lesquels on remarque Une actrice (Joyû, 1987, à propos de la vie de Tanaka Kinuyo), O-Han (1984, un remake d’un classique de la littérature), et Doraheita, écrit en 1969 pour la “Société des Quatre Chevaliers”, et tourné avec une belle énergie en 2000, par le cinéaste alors âgé de 85 ans ! Le programme imprimé de la MCJP propose une intéressante étude par Masumura Yasuzô (autre cinéaste remarquable), un entretien (par votre serviteur), et une présentation de tous les films projetés. Il est donc grand temps de redécouvrir Ichikawa, cinéaste certes inégal, mais souvent passionnant, et de lui faire enfin justice. Tous à la MCJP ! Par ailleurs, rappelons que le 6ème Festival du Film Asiatique de Deauville a présenté, du 10 au 14 mars, sept films japonais parmi lesquels Doppelganger de Kurosawa Kiyoshi, et Vibrator de Hiroki Ryûichi ainsi que Drive, de Sabu, Shara, le film un peu surestimé à Cannes de Kawase Naomi, Kiki, la petite sorcière (Majô no takkyûbin), de Miyazaki Hayao (1989). Ces deux derniers sortent en salles le 31 mars. A signaler aussi la sortie le 17 mars de l’étrange film nippo-thailandais de Pen’ek Ratanaruang, avec Asano Tadanobu, et…Miike Takashi. L’empire du cinéma nippon s’étend… O-tanoshimini! Sore ja, mata, Max Tessier Maison de la Culture du Japon à Paris |
En haut, Mr Poo (1953) En bas, Doraheita (1969) |