Une journée-conférence était proposée par le Lieu Unique de Nantes le 9 novembre. Elle a réuni à Paris VII des universitaires japonais et français qui ont souligné la modernité des «classiques» japonais (ce fut l’objet des contributions de Nakajima Kunihiko et de Nagashima Yûko, de l’Université Waseda), le caractère provocateur de certaines femmes auteurs (avec l’intervention particulièrement vivante de Yoshida Morio, de l’Université Kôgakuin), le «bruissement de la langue» (par Yoshikawa Yasuhisa, de l’Université Waseda) chez trois écrivains contemporains, Furui Yoshikichi, Nakagami Kenji et Murakami Ryû. Justement, Furui Yoshikichi était, avec Horie Toshiyuki, l’invité d’honneur de la table ronde qui a conclu cette journée. Ces deux écrivains ne sont pas de la même génération – Furui est né en 1937 et Horie en 1964. Le premier bénéficie d’une notoriété établie : il a été récompensé voilà 30 ans pour son roman Yôko (éd. Philippe Picquier). Le second, figure émergente de la littérature japonaise contemporaine, a vu son talent célébré à deux reprises déjà – en 1988 pour son recueil de nouvelles Auparavant qui a reçu le Prix Mishima, et en 2001 pour son roman Kuma no shikiishi («Le pavé de l’ours»). Dans la nouvelle de Furui que publie la revue Arsenal*, «Le dos seul aux dernières lueurs du jour», le dos est celui d’un vieillard que le monde a laissé en rade ou qui, plus vraisemblablement, comme l’écrivain d’ailleurs, a sauté du train en marche, voilà longtemps, on ne sait quand au juste. Il est voûté par le labeur qui le tient chaque jour courbé sur son bureau. Le narrateur perçoit que ce dos abîmé, qui l’habite, est une projection de lui-même. Son horizon s’est rétréci insensiblement. Il est maintenant tout proche de ce vieillard qui, autrefois, lui semblait loin devant – symbole du rejet du monde et de sa lecture de votre vie ; allégorie de l’avenir et de la personne qui vous précède toujours ; alter ego imaginaire. Auparavant, la nouvelle qui a donné son nom au recueil de Horie Toshiyuki (publiée par Arsenal également), se passe à Paris. Horie aime Paris. Il aime le quartier chinois où les visages ressemblent au sien, où les mots restent différents, mais où l’écriture sert de véhicule des pensées. Il aime la langue française, aussi. Il perpétue aimablement la tradition francophile des grands écrivains japonais du passé, ceux-là même dont en début de journée, on a évoqué le séjour dans la capitale française. Nagai Kafû et Shimazaki Tôson, eux-aussi, avaient été inspirés par leur échappée parisienne. Horie reprend cet héritage et le réinvente. Avis aux éditeurs. Guibourg Delamotte |
*ARSENAL N°7 ( Oct 2002) 15¤
BP 66-614 29266 Brest Cedex |