Pour conserver une certaine légèreté de mouvement, j’ai abandonné la prise de son directe, parce que les caméras 35 sont trop lourdes pour tourner à l’épaule (…)”, dit Tsukamoto. Le résultat est étonnant, mais parait surtout plus “professionnel”, dans les cadrages, les décors, les costumes, ou l’utilisation de la couleur, sans que Tsukamoto perde sa patte, ou la marque d’un style personnel. La rencontre avec l’univers d’Edogawa Rampo (1894-1965) paraissait inévitable, tant “l’ange du bizarre” semble commun à l’auteur de L’enfer des miroirs (Kagami Jigoku, 1926) et à celui de Tetsuo. Soseiji (Les jumeaux/ Gemini), 1924) est l’histoire particulièrement horrifique d’une malédiction s’exerçant sur une famille de médecins dans les années vingt, par l’intrusion soudaine et insistante d’un frère jumeau présumé mort, qui refait surface dans cet univers scientifique assez germanisé, et donne sa version de la lutte des classes… Le docteur (Yukio) apprendra à ses dépens qu’on ne peut échapper impunément à son double (Shakichi), les deux rôles étant évidemment interprétés par le même acteur, Motoki Masahiro, entouré de l’inquiétante Rin (interprété par la media-star Ryo), et d’ acteurs renommés au Japon, comme Asano Tadanobu, Takenaka Naoto, ou Ishibashi Renji. Tsukamoto et son équipe transforment cette histoire de vengeance jumelle en opéra gothique et fantastique, forçant l’effroi à chaque séquence, en mettant, si l’on ose dire, les bouchées doubles… Somptueux et grotesque ballet mortel, Gemini est un rocher habilement sculpté dans le jardin sauvage du cinéaste, si on le compare aux deux Tetsuo et surtout à l’excellent Tokyo Fist (1995), hélas toujours inédit en France. Ce n’est certes pas un film pour les amateurs d’Ozu ou de Suwa, mais cela vaut le détour pour s’offrir quelques émotions fortement esthétiques. Sore ja, mata Max Tessier GEMINI (Soseiji), de Tsukamoto Shinya, 1999/ 1h24, avec Motoki Masahiro. |
Gemini de Tsukamoto Shinya (1999)
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