Vivre ailleurs : telle est l’opportunité offerte par “AFS – vivre sans frontière“, une association qui, depuis de nombreuses années, permet à bon nombre de jeunes de 15 à 18 ans de partir pour le pays de leurs rêves.
Le principe de l’AFS est simple : pendant une année, l’étudiant est hébergé gracieusement dans une famille d’acceuil, à proximité du lycée où il suivra les cours.
Cette expérience, je la vis en ce moment même à Tsushima, une “petite“ ville de 64000 habitants située dans la proche banlieue de Nagoya. Voici donc les impressions toutes fraîches d’un jeune Français devenu… lycéen japonais.
A compter du mois d’avril 1997 jusqu’en mars 98, j’ai l’unique chance de vivre en immersion totale, c’est à dire en contact permanent avec les jeunes de mon âge, dont j’ai adopté le mode de vie. Jusqu’alors, rien de tel ne m’avait procuré un dépaysement si marqué.
L’intensité de cette vie nouvelle qui soudain s’offre à moi m’oblige à trier mes pensées… suivez le guide.
Quinze minutes de cyclisme depuis ma maison me sont nécessaires pour me rendre dans cet établissement, mixte et public, comptant près de 1000 élèves. Ma classe équivaut à la “première“ française koko ni nen sei signifie littéralement “ élève de seconde année de lycée “et regroupe 40 élèves, soit un nombre légèrement supérieur à la norme française.
Il est intéressant de noter que chaque élève est pourvu d’un “matricule“. Rassurez-vous, le lycée n’a rien d’une prison, ce numéro permet l’attribution du pupitre individuel correspondant : les filles sont les premières sur la liste, suivies des garçons, chacun étant respectivement classé en fonction du “kanji“de son nom. Quant à moi, mon doux nom est “2-6-41“: 2 pour deuxième année de lycée, 6 pour classe n°6 et 41 parce que je suis inclassable… n’ayant pas de Kanji ! Je l’avoue, cela m’a d’abord choqué de constater, le jour de la rentrée, que dans chaque classe, garçons et filles formaient deux groupes bien distincts.
Omniprésent sur les trottoirs, roulant parfois en sens inverse et s’arrêtant au feu rouge pour piétons, le vélo est le moyen de locomotion le plus en vogue chez les lycéens japonais. Ils sont tous équipés de béquilles, de paniers profonds ainsi que d’un antivol intégré, l’utilité de ce dernier accessoire étant bien moindre qu’en France : vous pouvez oublier quelques affaires ( ne le faîtes pas exprès quand même !) dans les paniers sans craindre de vous les faire voler. Quelle différence avec l’Hexagone!
La journée de cours comprend six leçons du lundi au vendredi et quatre leçons le samedi : toutes débutent et se terminent par le salut, annoncé par un élève dont c’est le rôle. Alors, les élèves et le professeur se lèvent pour prononcer, en chœur, le mot “rei“.
8 heures 40 : le professeur principal entame la journée par dix minutes d’infos pratiques concernant l’actualité, les tests effectués dans la semaine et autres points divers. Ensuite, les cours proprement-dit peuvent commencer. Ils durent 50 minutes et sont tous séparés par 10 minutes de récréation.
La traditionnelle sévérité dans les écoles japonaises ne m’était pas inconnue avant mon arrivée.
Là-bas, on m’a rassuré en me confiant que les punitions physiques étaient rarissimes. Un élève interrogé doit se lever. Et s’il n’a pas la réponse au problème posé, il conservera cette position debout jusqu’à ce qu’il réponde correctement à une prochaine question. Mais le supplice ne dure jamais bien longtemps : le prof, dans son infinie bonté, cède au bout de cinq minutes. Cela m’a rassuré…
Fait étrange, les jeunes Japonais sont incroyablement silencieux pendant la classe (40 élèves nippons sont moins bruyants que 10 potaches français). A mon sens, ceci tient à deux raisons complémentaires. D’abord, je contaste que les leçons sont passives : le prof parle, écrit très vite au tableau et pose très peu de questions. Voilà pourquoi les élèves participent si peu et ne s’adressent à leur supérieur qu’en fin de cours si un point n’est pas assimilé. C’est très frappant, ils se contentent de copier sous la dictée, silencieusement, leur regard voyageant invariablement du tableau au livre qu’ils ont devant eux (et pour les filles, de leur Tamagotchi au livre et enfin, au tableau!). Ensuite, conséquence de cette passivité, les élèves dorment! Pas la majorité bien sûr, mais il n’est pas rare de voir trois ou quatre dormeurs. Le prof ne leur reproche rien, à la seule condition qu’ils soient frais et dispos pour saluer, au début et à la fin du cours.
Mon adaptation au lycée est donc passée par l’apprentissage obligé de cette technique très efficace, surtout après avoir veillé et poussé la chansonnette au Karaoké du coin.
Dans un prochain article, je tâcherai de vous décrire l’importance et l’influence du lycée sur la vie du lycéen japonais. Car au Japon, plus qu’une simple institution pour le jeune, c’est une deuxième famille.
Florent Gorges